L'Oeil Curieux

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Tag - Maison de la Culture du Japon à Paris

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dimanche 4 décembre 2016

Quelques jolies "choses à porter"

Il y aura eu un parfum de France dans les deux expositions visitées en 2016 à la Maison de la Culture du Japon à Paris (voir le billet sur Paul Jacoulet).

Kunihiko Moriguchi a résidé en France dans les années 60, élève de l’École nationale des arts décoratifs et ami avec le critique Gaëtan Picon et le peintre Balthus.
Il parle d’ailleurs encore français et semble apprécier les vins français, comme vous pourrez le voir dans le documentaire « Trésor vivant » qui lui est consacré par Marc Petitjean.

Voici pour la touche française, parce tout le reste est profondément nippon.
Comme son père, Kakō Moriguchi en 1967, Kunihiko Moriguchi a été désigné « trésor national » en 2007.
Un trésor national est un « conservateur des biens culturels immatériels importants », une personne reconnue par le gouvernement japonais comme détentrice d'un savoir qu'il est important de perpétuer.
C'est l’expression de cette continuité de la culture japonaise, qui chérit le passé et les traditions, sans pour autant rejeter le présent et la modernité.

Kunihiko Moriguchi est donc un maître reconnu, un maître du yûzen, la teinture des tissus.
Il réalise d'étonnants kimonos, dont la forme reste immuable, mais avec des motifs très géométriques, rigoureusement et scientifiquement dessinés.

Comme dans de nombreux arts au Pays du Soleil Levant, la nature, les éléments et les saisons sont des sources d'inspiration et les kimonos se nomment ainsi « Mûrissement » ou « Pureté du Matin ».

Kunihiko Moriguchi Première neige, 1986, Hiroshima Prefectural Art Museum
Kunihiko Moriguchi, Première neige, 1986
Hiroshima Prefectural Art Museum

Kunihiko Moriguchi Sable en dérive, 1984, Pièce en dépôt au National Museum of Modern Art, Tokyo
Kunihiko Moriguchi, Sable en dérive, 1984
Pièce en dépôt au National Museum of Modern Art, Tokyo

Kunihiko Moriguchi Aube, 1974, Collection particulière
Kunihiko Moriguchi, Aube, 1974
Collection particulière

Kunihiko Moriguchi Ecailles, 2012, Agence nationale japonaise des affaires culturelles
Kunihiko Moriguchi, Ecailles, 2012
Agence nationale japonaise des affaires culturelles

Le documentaire « Trésor vivant » complète à merveille l'exposition.
On y découvre le travail de Kunihiko Moriguchi, sa recherche de la perfection, les gestes répétés à l'infini d'un artisanat élevé au rang d'art, mais aussi sa vie quotidienne, chez lui, dans une rue modeste de Kyoto, avec le marchand ambulant de tofu, qui fait du porte à porte, comme cela se fait probablement depuis longtemps.

TRESOR VIVANT from Marc Petitjean on Vimeo.



Kimono (« vêtement »), du japonais 着物, de 着る (« porter sur soi ») et 物 (« chose »), littéralement « chose que l'on porte sur soi ».


dimanche 2 octobre 2016

Un autre regard

Mon tropisme pour l'Empire du Soleil Levant guide souvent mes pas et délie ma plume.
En attendant d’atterrir à Tokyo, Haneda, la Maison de la Culture du Japon, Quai Branly, est une destination plus proche et qui distille néanmoins de délicieuses saveurs nipponnes.

J'y ai fait, samedi, une de mes plus enthousiasmantes rencontres de l'année.

Paul Jacoulet, né à Paris en 1896, a vécu pratiquement toute sa vie au Japon, ou il est arrivé à l'âge de 3 ans.
Au Japon, il est reconnu comme l'un des derniers grands maîtres de l'estampe ukiyo-e, «  image du monde flottant  ».
L'expression semble particulièrement juste pour les portraits du maitre français  : il capture, avec une infinie justesse et une grande empathie, un monde pas si éloigné de celui Hiroshige, Hokusai ou Utamaro mais appelé à disparaître dans les années qui vont suivre.

Réalisées par les meilleurs artisans, ses estampes sont une étonnante synthèse de technique et formalisme totalement japonais et du regard curieux d'un artiste nourri d'art occidental.

Paul Jacoulet porte un regard d’ethnologue sur les danses traditionnelles.
Danses D'Okesa. Sado, Japon - Paul Jacoulet, 1952
Danses D'Okesa. Sado, Japon - Paul Jacoulet, 1952

Il croque avec tendresse la vie quotidienne, un jeune enfant porté par son frère, quelques piments rouges proposés par un modeste marchand et la tranquille contemplation d'une chenille verte.
Les Deux Freres. Izu, Japon - Paul Jacoulet, 1936
Les Deux Freres. Izu, Japon - Paul Jacoulet, 1936

Les Bons Piments Rouges. Johokuri, Coree - Paul Jacoulet, 1954
Les Bons Piments Rouges. Johokuri, Coree - Paul Jacoulet, 1954

La Chenille Verte. Coree - Paul Jacoulet, 1936
La Chenille Verte. Coree - Paul Jacoulet, 1936

Dans la grande tradition, il maîtrise aussi les sujets animaliers et végétaux.
Le Nid. Coree - Paul Jacoulet, 1941
Le Nid. Coree - Paul Jacoulet, 1941

Ses trois jolies Coréennes emmitouflées célèbrent la beauté féminine, dans une élégante composition.
Flocons De Neige. Pengyong, Coree - Paul Jacoulet, 1956
Flocons De Neige. Pengyong, Coree - Paul Jacoulet, 1956

Il faut vraiment voir les œuvres pour savourer la justesse des traits, la richesse des couleurs et la somptuosité des effets de transparence, comme dans «  les perles  » pour lesquelles plus d'une centaine de planches ont été nécessaires.
Les Perles. Mandchoukuo - Paul Jacoulet, 1950
Les Perles. Mandchoukuo - Paul Jacoulet, 1950

Gaufrage, utilisation du mica, d'or, couleurs éclatantes, les estampes présentées sont un pur ravissement.
Encore deux semaines pour voyager dans le monde flottant avec le maitre français....


samedi 31 mai 2014

Une exposition qui tranche

Voici plus de 18 mois que je ne vous ai pas infligé un billet japonisant !

Avouez que vous étiez un peu en manque.
Non ?
Vraiment ?

Pour le retour du Japon chez L'Oeil Curieux, je frappe un grand coup avec une exposition qui allie Passé et Futur : « Evangelion et les sabres japonais  », ou quand les samouraïs croisent le Manga.

L'idée originale de cette exposition a été de faire réaliser par des artisans les sabres futuristes utilisés dans la série animée Evangelion.

Si les domaines sont très éloignés, Manga science-fiction d'un côté et artisanat millénaire de l'autre, cette rencontre me semble finalement très représentative du Japon, ou cohabitent harmonieusement les traditions et une extrême modernité.

Je ne sais pas si les amateurs de Manga ont été comblés par leur visite, mais comme amateur d'art du Japon, cette exposition a été un pur enchantement.

Elle révèle avec des vidéos le secret de la fabrication des sabres japonais.

Photographie : Amiami Blog.com



Le métal en fusion, la précision du geste de l'artisan, ce sentiment que se répète avec la même perfection un savoir qui traverse les âges, tout concourt à un spectacle fascinant.

Différentes vitrines permettent de mieux connaître les différentes parties d'un sabre (avec en particulier de splendides tsuba, gardes, délicatement ouvragées).


Puis, vient alors la contemplation des sabres.

La pièce la plus impressionnante est incontestablement la « Lance de Loginus », longue de plus de 3 mètres !


Ainsi nommé en référence à la lance du soldat romain qui transperça le flanc du Christ, la double lame réalisée en damas de corroyage déploie ses entrelacs avec élégance et du manche en double hélice émanent force et équilibre.

Le Tantô EVA-02 est une autre merveille, avec le motif ajouré de la jeune fille gravé dans la lame.

Photographie : Amiami Blog.com



Cette technique de sculpture appelée rankan sukashi est maîtrisée par peu d'artisans au japon et confère à cette pièce une place unique dans l'histoire du sabre japonais.

Si les couleurs des fourreaux (saya) et des poignées (tsuka) sont résolument modernes et revoient aux armures des EVA (les robots géants du manga Evangelion), les savoir-faire employés pour la fabrication des lames et des autres parties sont traditionnels et font des pièces présentées de dignes successeurs aux sabres des époques passées.


Photographie : Amiami Blog.com

Admirez ici le grain de la peau de requin ou de raie qui recouvre la poignée.

Photographie : Amiami Blog.com


Photographie : Amiami Blog.com


Photographie : Amiami Blog.com

Et là, le laçage de tresse.

Photographie : Amiami Blog.com

Pas besoin donc d'être un Otaku pour apprécier cette exposition.



Et pour continuer dans le japonisme et l’Asie, allez faire un tour au Musée Guimet découvrir la collection de Clémenceau avec ses surprenantes boites à encens (kôgô).
Boîte à encens (kôgô) en style Oribe Japon, préfecture de Gifu, fin de l’époque Momoyama (1573-1603)- début de l’époque d’Edo (1603-1868), début XVIIème siècle Mino-yaki Musée des Beaux-Arts de Montréal
Boîte à encens (kôgô) en style Oribe


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